Jean Boulbet est un personnage impressionnant qui a eu une vie mouvementée et héroïque, de la libération à la guerre d’Indochine et qui a terminé son voyage en Thaïlande.
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Biographie de Jean Boulbet par Pierre Le Roux
Jean Boulbet (1926-2007), né à Ste-Colombe-sur l’Hers (Aude), autodidacte, était un savant passe-murailles : ethnologue, archéologue, botaniste, cartographe, et géographe, spécialiste de l’Asie du Sud-Est où il a vécu et effectué des recherches pendant un demi-siècle, et où il est mort.
Il a compté, sans aucun doute, parmi les meilleurs ethnologues français, et s’est fait connaître notamment par la qualité de ses travaux concernant les Cau Maa’ du Vietnam, Proto-Indochinois peuplant la région de la boucle du fleuve Donnaï, au sud du pays, une des cinquante minorités ethniques officiellement reconnues par la République démocratique et populaire du Vietnam.
Résistant à 15 ans en Arles, FFI à 17 ans au Maquis de Picaussel (Aude), en son pays natal, Jean Boulbet s’est engagé volontaire dans la 1re Armée française « Rhin et Danube » (9e DIC) en août 1944, pour les campagnes de France et d’Allemagne, comme éclaireur, avant de se porter volontaire pour la guerre dans le Pacifique avec le général Leclerc, Massu, et le gros de la 2e DB.
Il fut démobilisé au Vietnam à la fin de la Seconde Guerre mondiale et il devint un temps, de 1946 à 1963, planteur de café et de thé au sud du Vietnam, dans la région des Hauts Plateaux, imaginant au passage des innovations techniques qui lui ont survécu, et sur une terre qu’il acheta au prix fort, entamant de concert l’exploration de la région et l’ethnographie minutieuse des Cau Maa’, des Stieng et autres Proto-Indochinois la peuplant depuis les origines.
En 1963, il rejoignit l’Ecole française d’Extrême-Orient, à la Conservation d’Angkor, à Siem Reap, au Cambodge, comme membre scientifique de l’EFEO, au double titre de conservateur du Phnom Kulen et de responsable du Parc forestier d’Angkor, bientôt diplômé en géographie à l’Université de Phnom Penh (directeur : Jean Fontanel) et en ethnologie à l’École Pratique des Hautes Etudes-VIe section (directeur : Georges Condominas, rapporteur : Claude Lévi-Strauss).
Ayant rempli des blancs sur les cartes de la région de Blao au sud du Vietnam, du Phnom Kulen au Cambodge, et du sud de la Thaïlande, il a été collaborateur de l’Institut pour l’établissement de la Carte internationale du Tapis végétal et des conditions écologiques au 1/1 000 000 de Toulouse (contribution à la carte Asie du Sud-Est, Océan Indien, Bioclimats du sud-est asiatique de H. Gaussen, P. Legris, F. Blasco, en 1967 ; et à la carte Cambodge de P. Legris & F. Blasco et al. en 1972).
Il a également contribué aux travaux de l’International Interim Committee for co-ordination of investigations of the Lower Mekong Basin (Lao People’s Democratic Republic, Kingdom of Thailand and Socialist Republic of Vietnam) pour l’étude de la couverture forestière au Laos et en Thaïlande du nord-est à la fin des années 1970.
Il a collaboré aussi, dans la décennie 1980, avec le Centre national d’études spatiales français et l’Asian Institute of Technology de Bangkok pour l’exploitation cartographique d’images satellite Spot de la région de Phuket (Thaïlande du sud).
Expert près de l’UNESCO au Cambodge, en 1970, à Angkor, il s’y est occupé des réfugiés khmers et européens ainsi que de la sécurité des temples.
Il a de nouveau été recruté comme Expert par l’UNESCO en 1993 au sujet de l’avenir de la Conservation d’Angkor cette fois.
Jean Boulbet a été fait chevalier de la Légion d’honneur à titre exceptionnel en 1970 suite à son action héroïque au Cambodge, aux tout débuts de l’invasion khmère rouge, en 1970.
Fondateur et premier président de l’Alliance française de Phuket (Thaïlande du sud) à la fin des années 1980, il est devenu le premier « consul de France honoraire » de Phuket dans les années 1990, dès sa retraite comme chercheur et membre scientifique de l’EFEO, à l’âge de 65 ans.
Jean Boulbet, ce conteur de génie, cet actif défenseur de la paix et de l’environnement, adorateur des jolies femmes mais aussi des arbres géants des forêts denses équatoriales et tropicales sempervirente, les fameuses « jungles », ce visionnaire soucieux de la protection des faunes sauvages, émule de Georges Brassens et embarqué avec lui sur le fameux bateau Les copains d’abord, arpenta durant plus de quarante ans les forêts primaires ou secondaires, les forêts claires ou immergées du Vietnam, du Cambodge et de la Thaïlande, qu’il connaissait mieux que quiconque, avec de longues incursions dans les incroyables sous-bois de Bornéo, si joliment ornés de si gracieuses palmes et défendus par autant d’épines ou d’agressives lianes à rotin, et dans les sous-bois de Sumatra et Sulawesi, en Indonésie, jusqu’en Amazonie (Brésil, Guyane) et en Afrique (Tchad, Côte d’Ivoire, Cameroun).
Ethnographiant les peuples rencontrés, explorant et dressant des cartes, découvrant trésors botaniques, habitants humains et animaux sauvages de ces lointains forêts et pays, mettant à jour peintures rupestres et plantes rares en Thaïlande, lithophone préhistorique au Vietnam, sites archéologiques oubliés au Cambodge, dont, en 1968, Kbal Spean, la célèbre « Rivière aux Mille linga » (Phnom Kulen, Conservation d’Angkor), où ses cendres ont été dispersées suivant son souhait peu après sa disparition, survenue le 11 février 2007.
De ce fait, il est devenu l’un des génies protecteurs des lieux, selon les croyances des habitants.
Ce mécréant affirmé, empli d’une inextinguible tolérance pour les défauts de l’humanité, cet homme au regard acéré, bleu glacier, dont les Cau Maa’, les Khmers de Siem Reap, les Jawi et les Thaïs du sud disaient, unanimes, qu’il avait des yeux de chamane, a été incinéré le jour de la Saint-Valentin, selon le rite bouddhique.
Photos de Jean Boulbet








Principaux travaux de Jean Boulbet
« Quelques aspects du coutumier (Ndrii) des Cau Maa’ », Bulletin de la Société des études indochinoises (Saigon), xxxii (2), p. 3-178, 1957.
« Trois légendes maa’ », France-Asie (Saigon), 139, p. 399-402, 1957.
« Découverte d’un troisième lithophone préhistorique en pays mnong-maa’ », L’Anthropologie, 62 (5-6), p. 486-502, 1957 (préface de Georges Condominas).
« Introduction à l’étude de la forêt dense », Annales de la Faculté des Sciences (Saigon), p. 239-260, 1960 (avec Jean-Pierre Barry, Phung Trung Ngân et H. Weiss).
« Description de la végétation en Pays maa’ », Bulletin de la Société des études indochinoises (Saigon), xxxv (3), p. 545-574, cartes, photos, 1960.
« Bördee au rendez-vous des Génies », Bulletin de la Société des études indochinoises (Saigon), xxxv (4), p. 627-650, 1960.
« Modes et techniques du Pays maa’ », Bulletin de l’École française d’Extrême-Orient, lii (2), p. 359-414, dessin, photos, 1965.
« Le miir, culture itinérante avec jachère forestière en Pays maa’ », Bulletin de l’École française d’Extrême-Orient, liii (1), p. 77-98, photos, 5 cartes, 1966.
Pays des Maa’. Domaine des génies. Nggar Maa’, Nggar Yaang. Essai d’ethno-histoire d’une population proto-indochinoise du Vietnam Central, Paris, École française d’Extrême-Orient (“Pub. de l’EFEO”, lxii), 152 p, photos, cartes, 1967 [carte inédite de la région de la boucle du Donnaï].
« Le tragique destin des Maa’ », Études cambodgiennes (Phnom Penh), n° 11, p. 14-21, 1967.
« Phnom Kulen », Études cambodgiennes (Phnom Penh), n° 16, p. 20-35, 1968.
« Des femmes budih à quelques apsaras originales d’Angkor Vat », Arts asiatiques, xvii, p. 209-218, 1968.
« Le gibbon », Nokor Khmer (Phnom Penh), i (1), p. 48-61, 1969.
« Kbal Spean, la Rivière aux Mille Linga », Nokor Khmer (Phnom Penh), i (2), p. 2-17, préface de Jean Filiozat, de l’Institut, directeur de l’EFEO, 1970 [découverte et description du site].
« Le décor forestier », Nokor Khmer (Phnom Penh), ii (3), p. 44-69, dessins d’Hervé Manac’h, 1970.
Tam Pöt Maa’. Dialogue lyrique des Cau Maa’, Paris, École française d’Extrême-Orient (“Pub. de l’EFEO”, lxxxv), 116 p., photos, 1972.
Les Sites archéologiques de la région du Bhnam Gulen (Phnom Kulen), Paris, Annales des musées Guimet et Cernuschi (numéro spécial Arts asiatiques, xxvii), 132 p., photos, cartes, 1973 (avec Bruno Dagens) [relevé exhaustif et carte inédite des sites découverts par Jean Boulbet].
« Phnom Kulen, paysage rural particulier au Cambodge », p. 193-205 in Jacques Barrau, Lucien Bernot, Isaac Chiva et Georges Condominas (sous la dir. de) : Agricultures et sociétés en Asie du Sud-Est, Paris, Mouton, n. s. Études rurales, 53-56, 1974.
Paysans de la forêt, Paris, École française d’Extrême-Orient (“Pub. de l’EFEO”, cv), 147 p., cartes, photos, 1975.
Phuket, Bangkok, Sangwan Surasarang, 47 p., cartes, photos (français-anglais), 1979 (rééd. revue et augmentée : 1984).
Le Phnom Kulen et sa région. Carte et commentaire, Paris, Ecole française d’Extrême-Orient (“Textes et documents sur l’Indochine”, xii), 136 p., photos, cartes, 1979. [carte inédite de la région et relevé exhaustif des sites archéologiques, par Jean Boulbet].
« Forest degradation in Northeastern Thailand between 1954 and 1973 », chapter 2, « Rural Landscapes », chapter 3 (photos) in : Interim Committee for co-ordination of investigations of the Lower Mekong Basin. Lao People’s Democratic Republic, Kingdom of Thailand and Socialist Republic of Vietnam (eds) : Interpretation of Remote Sensing Imagery, mkg/R.231, 1979.
Évolution des paysages végétaux en Thaïlande du Nord-Est, Paris, École française d’Extrême-Orient (“Pub. de l’EFEO”, cxxxvi), 76 p., photos, 1982.
« Découvrir ou retrouver. Autour des dernières prospectives de l’EFEO dans la région du Phnom Kulen (1967-1970) », p. 165-181 in Cambodge ii, Paris, Éd. de l’École des Hautes études en sciences sociales [n. s. Asie du Sud-Est et Monde Insulidien, xv (1-4)], 497 p., 1984 [genèse de la découverte du site de Kbal Spean par Jean Boulbet].
Forêts et pays. Carte schématique des formations forestières dominantes et de l’occupation humaine. Asie du Sud-Est, Paris, École française d’Extrême-Orient (“Pub. de l’EFEO”, cxliii), 134 p., cartes, photos, 1984 [carte inédite de la couverture forestière en Asie du Sud-Est].
Un Héritage étrange : les roches peintes. Sites inédits de Thaïlande du Sud. Provinces de Phang Nga et Krabi, Bangkok, Sangwan Surasarang, 36 p., cartes, photos (résumés français-thaï-anglais), avec le concours du ministère français des Affaires étrangères, 1985 [description des sites pariétaux découverts par Jean Boulbet].
Phuket. Réserve de faune et de flore de Khao Phra Thaew, Phuket, Andaman Press, 80 p., cartes, photos (français-anglais-thaï), 1986 (avec Nophadol Briksavan).
Phuket. Image satellite Spot et son exploitation de terrain. Six panneaux commentés, Toulouse/ Paris/Bangkok, Centre national d’études spatiales, École française d’Extrême-Orient, Asian Institute of Technology, 1988.
Vers un sens de la Terre. Recul des lisières de la forêt dense en Thaïlande méridionale durant les deux dernières décennies / Towards a sense of the Earth. The retreat of the dense forest in Southern Thailand during the last two decades, Pattani, Prince of Songkla University (“Grand Sud”) et École française d’Extrême-Orient, 138 p., cartes, photos (français-anglais), 1995 [carte inédite de la Thaïlande du sud-ouest, par Jean Boulbet].
De Palmes et d’épines, Tome 1, Vers le Domaine des génies (Pays des Maa’, Sud Vietnam, 1947-1963), Paris, SevenOrients, 345 p., 32 pl. photos, cartes, 2002.
Voir la présentation : Livres de Jean Boulbet : De palmes et d’épines
De Palmes et d’épines, Tome 2, Vers le paradis d’Indra (Cambodge, 1963-1975), Paris, Seven Orients, 221 p., 32 pl. photos, cartes, 2003.
« Du mythe à la parure. L’oiseau chez les Cau Maa’ (Vietnam) », p. 695-716 in Pierre Le Roux & Bernard Sellato (sous la dir. de) : Les Messagers divins. Aspects esthétiques et symboliques des oiseaux en Asie du Sud-Est / Divine Messengers. Bird Aesthetics and Symbolism in Southeast Asia, Paris/Bangkok, Connaissances et Savoirs et SevenOrients, IRASEC, 862 p., 2006.
De Palmes et d’épines, Tome 3, Vers le port d’attache (Phuket, sud de la Thaïlande, 1975-2007), Paris, Seven Orients, 211 p., 32 pl. photos, cartes, 2009.