La guerre franco-thaïlandaise a opposé la Thaïlande du général Plaek Pibulsonggram, dit Phibun, et les forces française vichystes dans la péninsule indochinoise.
Cette guerre précède de quelques mois le déclenchement de la guerre du Pacifique proprement dite.
Les négociations avec la France avant la Seconde Guerre mondiale avaient prouvé que le gouvernement français était disposé à faire des modifications mineures dans les frontières entre la Thaïlande et l’Indochine française.
Après la défaite de la France en 1940, le Major-Général Plaek Pibulsonggram, premier ministre de la Thaïlande, décide que la situation donne aux Thaïlandais une chance encore meilleure de regagner les territoires perdus pendant le règne du Roi Chulalongkorn.
Le contexte de la guerre franco-thaïlandaise
Le 12 juin 1940, le gouvernement thaïlandais avait accepté de signer avec la France un pacte de non-agression mais après la déroute française de 1940, le premier ministre thaïlandais Phibun entrevoit une chance pour la Thaïlande de récupérer les territoires abandonnés à la France durant le règne de Chulalongkorn et de venger les humiliations subies en 1893 (rattachement du Laos à l’Indochine française) et 1904.
Les provinces en question sont celles de Melou Prei et de Tonlé Repou en 1904, et les provinces de Battambang, de Sisophon et de Siem Reap en 1907 qui furent cédées en 1867 contre la reconnaissance du protectorat sur le royaume khmer ; ces provinces furent toutes rattachées au Cambodge),
L’affaiblissement de la métropole rendait le maintien du contrôle français sur l’Indochine hasardeux et difficile.
L’administration coloniale, privée d’aide et de renforts, avait été forcée à autoriser les Japonais à s’installer en Indochine française après la prise de Lạng Sơn (offensive des 22-25 septembre 1940).
La faible résistance française face à cette invasion convainc le régime de Phibun qu’un affrontement militaire tournerait à son avantage.
Les forces en présence
Les forces françaises en Indochine étaient composées d’une armée d’approximativement 60 000 hommes, dont 12 000 étaient originaires de métropole (et servaient dans les régiments dits de « souveraineté), organisée en 41 bataillons d’infanterie, deux régiments d’artillerie, et d’un bataillon du génie.
La faiblesse la plus évidente de l’armée française était son manque de chars : elle pouvait aligner seulement 20 Renault FT-17 contre 134 pour l’armée thaïlandaise.
La force aérienne vichyste en Indochine était composée d’une centaine d’avions, dont environ soixante pouvaient être envoyés en première ligne: 30 Potez 25, quatre Farman 221, six Potez 542, neuf Morane-Saulnier M.S.406 et huit Loire 130.
L’armée thaïlandaise était relativement bien équipée. Elle se composait d’environ soixante mille hommes, divisée en quatre armées, la plus importante étant l’armée de Burapha avec cinq divisions.
Les formations indépendantes sous l’autorité directe du haut commandement d’armée comprenaient deux bataillons motorisés de cavalerie, un bataillon d’artillerie, un bataillon des transmissions, un bataillon du génie et un régiment blindé.
L’artillerie avait à sa disposition un mélange de Krupp âgés, d’obusiers Bofors modernes et des mortiers (pistolets ?) de campagne, tandis que soixante chenillettes Carden-Loyd et trente Vickers 6-Ton composaient l’arme blindée.
L’aviation et la marine thaïlandaise avaient bénéficié dans les années 1930 de l’attention du gouvernement thaïlandais.
La Force aérienne royale thaïlandaise disposait d’environ 200 avions de combat et de 120 avions d’entraînement.
L’embargo américain d’octobre 1940 avait poussé Bangkok à se fournir davantage au Japon : durant l’hiver 1940, le pays reçut ainsi 33 Nakajima Ki-27 et 9 bombardiers Mitsubishi Ki-21-I, ainsi qu’une trentaine de Mitsubishi Ki-30 (en).
Elle engagea cependant plutôt des modèles plus anciens, notamment des Martin B-10.
La marine regroupait pour sa part une trentaine d’unités, dont deux garde-côtes cuirassés de construction japonaise, le Thonburi et le Sri Ayuthaya (armés de quatre canons de calibre 203 mm), neuf torpilleurs de construction italienne (pourvus de six tubes lance-torpilles de 533 mm) et quatre sous-marins côtiers (livrés en 1938 par le Japon).
Elle comportait également une petite aviation anti-sous-marine, et deux bataillons de fusiliers-marins.
Le déclenchement des opérations
Après des manifestations nationalistes et anti-françaises à Bangkok, des escarmouches frontalières se succèdent le long du Mékong.
L’aviation thaïlandaise, supérieure en nombre, bombarde de jour Vientiane, Sisophon, et Battambang en toute impunité.
Les forces aériennes françaises tentent des raids en représailles, mais les dégâts causés à la Thaïlande sont bien moindres.
L’amiral Jean Decoux, gouverneur général d’Indochine, reconnaît d’ailleurs que les aviateurs thaïlandais pilotent comme des hommes ayant plusieurs campagnes à leur actif. En décembre 1940, la Thaïlande occupe Pak-Lay et la Province de Champassak.
Début janvier 1941, le Burapha Thai et les armées Isaan lancent une offensive sur le Laos et le Cambodge.
La résistance française est immédiatement en place, mais de nombreuses unités sont surpassées par les forces thaïlandaises, mieux équipées.
Les Thaïlandais occupent rapidement le Laos, alors qu’au Cambodge la résistance française est plus efficace.
Le 16 janvier, la France lance une large contre-offensive menée par le 5e régiment étranger d’infanterie sur les villages thaïlandais de Yang Dang Khum et de Phum Préav, où se déroulent les plus féroces combats de la guerre.
La contre-attaque française est bloquée et s’achève par une retraite, mais les Thaïlandais ne peuvent poursuivre les forces françaises, leurs chars ayant été cloués au sol par les canons anti-char français.
La bataille de Koh Chang
Alors que la situation à terre est critique pour la France, le gouverneur général de l’Indochine, l’amiral Jean Decoux, donne l’autorisation à l’amiral Jules Terraux, commandant la Marine nationale en Indochine française, d’exécuter une opération contre la Marine thaïlandaise.
La flotte française en Indochine est alors hétéroclite. Un « groupe occasionnel » est formé avec le croiseur léger La Motte-Picquet comme navire amiral, les avisos coloniaux de classe Bougainville Dumont d’Urville et Amiral Charner, et les vieux avisos Marne et Tahure.
Cette flotte est placée sous le commandement du capitaine de vaisseau Régis Bérenger, commandant le La Motte-Picquet.
La force française possède plusieurs hydravions: 2 Loire 130 dont l’un a été laissé à Saïgon par le Suffren pour les besoins de l’opération, 3 Potez 452 dont 2 embarqués par le La Motte-Picquet, 3 Gourdou 832 dont 2 d’entre eux sont lancés par les avisos coloniaux.
Bien qu’obsolètes, ces hydravions vont jouer un rôle clé dans la bataille en localisant précisément les navires thaïlandais à Koh Chang.
Cinq canonnières fluviales accompagnent la flotte mais ne participeront pas au combat.
La flotte thaïlandaise est composée des deux garde-côte cuirassés Sri Ayuthia et Dhomburi, de dix torpilleurs dont 9 modernes de fabrication italienne, un ancien de fabrication britannique, deux avisos, un sous-marin, deux mouilleurs de mines.
L’ordre est donné aux navires de guerre français disponibles d’attaquer dans le golfe de Thaïlande.
Une reconnaissance aérienne est effectuée le 16 janvier à Satahib (pointe Est de la baie de Bangkok) et à Koh Chang.
La flotte française quitte l’île de Poulo Condor le 15 janvier. Elle traverse le golfe du Siam, et surprend à l’aube du 17 janvier un escadron de la flotte thaïlandaise au mouillage.
Les navires thaïlandais tentent de tirer parti de la multitude d’ilots qui protège la base maritime de Koh Chang, mais les unités françaises bloquent les chenaux de sortie et les pilonnent de plusieurs côtés.
À l’issue du combat qui dure un peu moins de deux heures, le bilan est lourd côté thaïlandais.
Un tiers de sa flotte est hors de combat. Les torpilleurs Chonburi, Songhkla et Trad, construits en Italie entre 1935 et 1937, sont coulés (le Trad sera renfloué par la suite et remis en service).
Le garde-côte cuirassé Dhomburi est gravement touché et il finit par chavirer sur la barre de Chantaboum. Son sister-ship le Sri Ayuthia est torpillé par le La Motte-Picquet.
Sur les trois torpilles lancées une seule touche, mais force le vaisseau à s’échouer pour ne pas couler.
Ces deux unités cuirassées construites au Japon en 1937 et 1938 étaient armées de tourelles doubles de 203 mm.
Le bilan officiel fait état de 36 hommes (dont le commandant du Thonburi) tués du côté thaïlandais, mais les chiffres sont probablement plus élevés, sans doute 300 hommes ont péri.
Plusieurs officiers japonais présents à bord des bâtiments siamois auraient également trouvé la mort dans l’affrontement.
La flotte française rentre à Saïgon quasiment intacte. Elle ne déplore aucun tué, quelques blessés et seulement des dégâts matériels légers.
L’historien de la marine Jacques Mordal a fait remarquer que la bataille de Koh Chang est la seule bataille navale livrée et gagnée au cours des deux guerres mondiales par une force navale française, sur des plans et avec des moyens exclusivement français.
Dans ses Mémoires de guerre, le général de Gaulle évoque « la brillante victoire navale du 17 janvier 1941 au cours de laquelle le croiseur La Motte-Picquet et quelques avisos français ont envoyé par le fond la flotte du Siam ».
À la suite de cette victoire, le capitaine de vaisseau Régis Bérenger est promu contre-amiral.
Ce fait d’armes reste cependant méconnu en France, peut-être parce qu’il a été remporté par la marine de Vichy.
On retrouve néanmoins le nom de cette bataille pour quelques rues et places et quelques mémoriaux en Bretagne et en Vendée.
Conclusion et conséquences de la guerre franco-thaïlandaise
Le bilan de la guerre diverge selon les sources. Certaines mentionnent environ 3 400 morts.
Le Japon, désireux de s’assurer la collaboration militaire de la Thaïlande, intervient rapidement en médiateur dans le conflit.
Un ultimatum impose d’abord aux deux belligérants un armistice, proclamé le 28 janvier. Le 9 mai, la France, sous contrainte japonaise, signe un traité de paix, par lequel elle abandonne les provinces de Battambang et Siem Reap, prises au Cambodge, de Champassak et Sayaburi (prises au Laos qui cède ainsi les territoires sur la rive droite du Mékong) soit un territoire de plus de 50 000 km2 habité par 420 000 personnes.
Ce traité est suivi d’un autre entre la France et le Laos le 21 août.
Cette annexion provoque, en juillet 1941, l’imposition par les États-Unis d’un embargo sur les livraison de pétrole vers le Japon et la création, avec l’aide des services secrets anglo-saxons, du Thaï Séri (les Thaïs libres), organisation clandestine anti-japonaise.
Le gouvernement thaïlandais promet oralement aux Japonais de leur laisser le passage sur son territoire dans le cadre de l’attaque sur la Malaisie prévue par l’Empire.
Le 8 décembre 1941, la Thaïlande n’ayant toujours pas répondu aux demandes japonaises, le Japon décide de passer outre et, afin de pouvoir passer en Malaisie, envahit le territoire de la Thaïlande.
Cette invasion se conclut par la bataille de Prachuab Khirikhan et un cessez-le-feu quelques heures plus tard, puis, la Thaïlande s’allie au Japon.
Les territoires annexés par la Thaïlande ne sont restitués qu’en novembre 1947 à la France, qui ne les conserve pas longtemps, car les territoires d’Indochine obtiennent l’indépendance peu après.
La faiblesse que la France a révélée est un des facteurs de cette décolonisation.
Les pertes
L’armée française eut un total de 321 tués, dont 15 étaient des officiers. Après le 28 janvier, elle comptait 178 disparus (6 officiers, 14 sous-officiers, et 158 hommes enrôlés).
Les Thaïlandais capturèrent 222 hommes (17 Nord-africains, 80 Français, et 125 Indochinois).
L’armée thaïlandaise eut un total de 54 tués et 307 blessés. 41 marins et soldats de la marine thaïe furent tués, et 67 blessés.
À la bataille de Ko Chang, 36 hommes furent tués, dont 20 membres d’équipage du HTMS Thonburi, 14 du HTMS Songkhla, et 2 du HTMS Chonburi.
L’Armée de l’Air thaïlandaise perdit 13 hommes. 21 militaires thaïlandais furent capturés par les Français.
Environ 30 % des avions français avaient été rendus inutilisables vers la fin de la guerre, une partie en raison de dommages mineurs, non réparés par la suite, occasionnés lors des raids aériens.
L’Armée de l’Air de Vichy admit la perte d’un Farman F221 et deux Morane-Saulnier MS.406 détruits au sol, mais en réalité ses pertes étaient plus grandes.
Au cours de sa première expérience de combat, l’Armée de l’Air Royale thaïlandaise prétendit avoir abattu cinq avions français en l’air et dix-sept détruits au sol, pour la perte de trois de ses propres avions dans le ciel et de cinq à dix détruits dans des raids aériens français sur les terrains d’aviation thaïs.
Vidéo sur la guerre franco-thaïlandaise
Les informations de l’époque parlant de la guerre :
Source : wikipedia.org/
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