La sécheresse a toujours prévalu sur le plateau d’Isan, surnom donné par les Thaïlandais à la région du nord-est de la Thaïlande, où près de la moitié de la population est constituée d’agriculteurs.
Dépendant des pluies pour maintenir leurs récoltes, les agriculteurs se réunissaient traditionnellement au début de la saison des pluies pour lancer des fusées Bang Fai artisanales vers le ciel afin de demander au dieu de la météo de libérer la mousson sur la terre.
Selon le folklore, plus les fusées sont hautes et bruyantes, mieux c’est.
La divinité sera probablement plus heureuse de l’offrande et permettra une pluie abondante pour la récolte de la saison.
Le 14 novembre 1955, Sa Majesté le roi Bhumibol Adulyadej le Grand a traversé la région asséchée d’Isan lors d’une visite royale.
Le monarque, alors âgé de 28 ans, a constaté les effets du manque d’eau dans la région, qui entraînait de faibles rendements agricoles et, par conséquent, la population souffrait de pauvreté et de malnutrition chroniques.

Le roi Rama IX dans les villages thaïlandais.
Lorsque le jeune roi a levé les yeux vers le ciel dans l’espoir de trouver une solution, il a remarqué que le temps était nuageux, mais qu’il n’y avait pas de précipitations.
Comme « tout nuage a un bon côté* », littéralement, le roi Bhumibol en a trouvé un en regardant les nuages – une idée sur la façon d’attirer les gouttelettes des nuages sur les terres agricoles.
*Le proverbe anglais « every cloud has a silver lining » ou en français : « chaque nuage a un bon côté » est utilisé pour transmettre l’idée que, quelle que soit la gravité d’une situation, il y a toujours un bon côté.
« L’idée d’une pluie artificielle m’est venue en 1955, lorsque j’ai visité l’Isan au mois de novembre.
Il y avait des nuages, mais la sécheresse persistait toujours.
J’avais donc deux idées en tête.
La première était de construire des barrages de retenue, et la seconde était de savoir comment amener l’eau des nuages.
Puis je me suis rappelé que j’avais déjà entendu parler de la fabrication de la pluie.
Plus tard, j’en ai parlé à Mom Rajawongse Debariddhi (un expert en ingénierie agricole) qui m’a confirmé qu’il était possible de faire des pluies artificielles ».
Source : Sa Majesté le Roi Bhumibol, entretien avec des fonctionnaires du Bureau du Royal Development Project Board, 17 mars 1986.

Le projet royal de création de pluie en Thaïlande.
Ayant manifesté un vif intérêt pour les sciences dès son plus jeune âge, le roi a acquis des connaissances en matière de recherche technologique dès son inscription à la Faculté des sciences de l’Université de Lausanne.
Après 14 ans de recherche sur la météorologie et la modification du temps, la première expérience de pluie artificielle a été tentée le 1er juillet 1969.
Ce fut un succès remarquable.
Après que la flotte d’avions ait distribué des flocons de glace sèche au-dessus des nuages, il a commencé à pleuvoir en 15 minutes.
Cette opération a marqué l’aube de ce qui est maintenant reconnu par les Thaïlandais comme le projet royal de création de pluie, « The Royal Rainmaking Project ».
Depuis lors, le projet a subi une série de transformations pour perfectionner le processus de fabrication de la pluie artificielle.
Sa Majesté le Roi Bhumibol a reconnu qu’une quantité suffisante d’humidité est cruciale pour la réussite du processus de fabrication de la pluie.
C’est pourquoi une nouvelle formule chimique a été inventée pour maximiser le niveau d’humidité pour différents types de nuages.
La technique actuelle de fabrication de la pluie fait maintenant intervenir trois processus.
Premièrement, l' »agitation », pour activer la formation de nuages en utilisant du sel et d’autres substances chimiques pour accumuler l’humidité.
Ensuite, « l’engraissement », pour stimuler l’accumulation de gouttelettes dans le nuage en dispersant du chlorure de calcium, et enfin « l’attaque », pour déclencher la pluie à partir des nuages lourds en ajoutant un mélange de sel et d’urée.
Le projet s’est ensuite concrétisé par la création du Bureau de la Royal Rainmaking and Agricultural Aviation en 1992, sous la supervision du ministère de l’Agriculture et des Coopératives.
Cette technique pour faire tomber la pluie est exclusive à la Thaïlande.
En 2001, le Roi Bhumibol a reçu la reconnaissance du Projet royal de fabrication de pluie de l’organisation EUREKA « pour une invention qui est bénéfique pour le monde ».
En 2003, le roi Bhumibol a obtenu un brevet de l’Office européen des brevets pour la modification du temps.
Depuis que l’invention a attiré l’attention de la communauté internationale, de nombreux pays ont cherché à coopérer avec la Thaïlande pour appliquer ce savoir-faire à leurs propres problèmes de sécheresse.
La Jordanie, par exemple, a obtenu l’autorisation d’utiliser la technique de fabrication de la pluie en 2009, grâce à un protocole d’accord pour la formation et le transfert de technologie.
Parmi les autres pays qui ont sollicité la coopération, citons la Mongolie, le Sri Lanka, l’Indonésie, l’Australie et les Philippines.
En Thaïlande, le 14 novembre est désormais célébré comme la « Journée du père de la pluie royale » pour commémorer la journée qui a inspiré cette initiative inestimable dont ont bénéficié de nombreux pays dans le monde entier.
Même 50 ans après la naissance du Royal Rainmaking Project, cette initiative est toujours très active aujourd’hui.
Il n’est pas nécessaire de compter sur les dieux du temps, lorsque les citoyens peuvent soumettre une demande de pluie en cas de besoin, et que la pluie est accordée.
Le projet permet aux agriculteurs thaïlandais de récolter sans interruption, et de remplir les barrages hydroélectriques pour aider à satisfaire la demande croissante d’électricité.
En 2013, le Bureau of Royal Rainmaking and Agricultural Aviation a été modernisé pour devenir le Department of Royal Rainmaking and Agricultural Aviation en raison de l’importance de sa mission et de ses responsabilités élargies.
En 2019, le Département a mené 1 673 opérations de fabrication de pluie dans tout le pays.
Près de 89 % des vols ont été couronnés de succès, produisant des précipitations sur 63 millions d’hectares de forêts, de zones agricoles et de réservoirs.
Les pluies diluviennes ont permis d’augmenter les réserves d’eau de 2 595 millions de mètres cubes.
Néanmoins, la demande de pluie artificielle devrait augmenter en raison des problèmes de pollution de l’air et des effets du réchauffement climatique, et le ministère étudie actuellement la possibilité d’utiliser des fusées pour aider à disperser la substance pluviale au-dessus des nuages.
Aujourd’hui, sous la direction de Sa Majesté le Roi Maha Vajiralongkorn, l’héritage du Royal Rainmaking Project continue de vivre.
Suivant les traces de son père, le roi Vajiralongkorn a également lancé divers projets d’irrigation pour lutter contre la sécheresse, tels que la construction de six réservoirs dans la province occidentale de Ratchaburi, et le développement de systèmes de canaux, de barrages de retenue et de digues pour aider les agriculteurs dans le sud profond de la Thaïlande.
C’est l’un des nombreux témoignages de la vision, du dévouement continu, de la persévérance et de l’ingéniosité des monarques de la dynastie Chakri qui veillent sur le peuple et le pays thaïlandais.
Voir aussi :
L’économie d’autosuffisance en Thaïlande, un héritage fondamental
Économie d’autosuffisance en Thaïlande, le cadeau de Rama IX
Source : nationthailand.com