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Le Bouddhisme et la politique, un enseignement peu connu de Bouddha

par Pierre To
16 minutes à lire
Le Bouddhisme et la politique

Un enseignement sur le Bouddhisme et la politique extrait du livre « L’enseignement du Bouddha d’après les textes les plus anciens » de Walpola Rahula.

« Ceux qui s’imaginent que le Bouddhisme ne s’intéresse qu’à des idéaux suprêmement élevés, qu’a de hautes pensées morales et philosophiques, ignorant le bien-être social et économique des masses, sont dans l’erreur.

Le Bouddha s’intéressait au bonheur de l’humanité.

Pour lui il n’y avait pas de bonheur possible hors d’une vie pure fondée sur des principes moraux et spirituels.

Mais il savait aussi qu’il était difficile de mener une telle vie si les conditions matérielles et sociales étaient défavorables.

Le Bouddhisme ne considère pas le bien être matériel comme une fin en soi ; c’est seulement un moyen en vue d’un but — un but plus haut et plus noble.

Mais c’est un moyen indispensable pour atteindre un but plus élevé pour le bonheur de l’homme.

Le Bouddhisme reconnaît donc qu’un certain minimum de conditions matérielles est favorable au succès spirituel, même lorsqu’il s’agit du moine occupé à la méditation en un lieu retiré.

Le Bouddha ne sépare pas la vie du contexte de son arrière fond social et économique ; il la considère comme un tout, dans tous ses aspects spirituels, sociaux, économiques et politiques.

L’enseignement du Bouddha sur la politique

L’enseignement du Bouddha sur les sujets éthiques, spirituels et philosophiques est assez bien connu.

Mais on sait peu de choses, particulièrement en Occident, quant à son enseignement touchant les questions sociales, économiques et politiques.

Et pourtant, il y a de nombreux discours qui traitent de ces sujets et qu’on rencontre tout au long des anciens textes.

Voyons seulement quelques exemples :

Le Cakkavattisihanada-sutta du Digha-nikaya affirme clairement que la pauvreté (daliddiya) est une cause d’immoralité et de crimes comme vol, tromperie, violence, haine, cruauté, etc.

Les rois des temps anciens, comme les gouvernements d’aujourd’hui, s’efforçaient de supprimer le crime au moyen du châtiment.

Le Kutadana-sutta du même nikaya dit combien cela est vain ; il nie que cette méthode puisse jamais être efficace.

Le Bouddha suggère au contraire, de mettre fin à la criminalité en améliorant la condition économique populaire.

Il dit que des semences et autres éléments nécessaires à l’agriculture doivent être fournis aux fermiers et aux cultivateurs ; que des capitaux doivent être mis à la disposition des marchands et autres corporations ; que des salaires adéquats doivent être payés aux employés.

Quand on lui aura fourni les moyens de gagner un revenu suffisant, le peuple sera satisfait, il sera à l’abri de la peur et de l’anxiété et, en conséquence, le pays deviendra pacifique et sera débarrassé du crime.

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C’est pourquoi le Bouddha rappelait aux laïcs combien il était important d’améliorer les conditions économiques.

Cela ne voulait pas dire, bien entendu, qu’il approuvât qu’on accumule des richesses avec cupidité et attachement, ce qui est en contradiction avec son enseignement fondamental, ni qu’il approuvât qu’on emploie n’importe quel moyen pour gagner sa vie.

Il y a certaines professions comme par exemple la fabrication et le commerce des armes, qu’il condamnait, comme moyens d’existence nuisibles.

L’enseignement du Bouddha sur le Bonheur

Un homme appelé Dighajanu, rendit un jour visite au Bouddha et lui dit : « Seigneur, nous sommes des laïcs ordinaires menant la vie de famille avec femmes et enfant.

Le Bienheureux pourrait-il nous donner quelques enseignements qui nous conduise vers le bonheur dans le monde et au-delà ?  »

Le Bouddha lui répondit qu’il y avait quatre choses qui conduisent l’homme au bonheur en ce monde :

Premièrement : il doit être habile et efficace, consciencieux et énergique dans sa profession quelle qu’elle soit et il doit en avoir une connaissance complète (utthana-sampada).

Deuxièmement : il doit garder son gain ainsi obtenu justement à la sueur de son front (arakkha-sampada) ; (il s’agit de protéger son gain contre les voleurs etc.

Toutes ces idées doivent être considérées dans le contexte de l’époque).

Troisièmement : il doit avoir de bons amis (kalyana-mitta), fidèles, instruits, vertueux, libéraux et intelligents, qui l’aident à se maintenir dans le droit chemin et à se garder du mal.

Quatrièmement : il doit dépenser raisonnablement, selon son revenu, ni trop peu, c’est-à-dire qu’il ne doit pas accumuler avec avarice, ni se livrer à des extravagances — autrement dit, il doit vivre selon ses moyens (samajivikata).

Ensuite, le Bouddha exposa les quatre vertus qui conduisent un laïc au bonheur dans l’au-delà :

Premièrement : il doit avoir foi et confiance (saddha) dans les valeurs morales, spirituelles et intellectuelles.

Deuxièmement : il doit s’abstenir de détruire la vie ou de lui nuire, du vol, de la tromperie, de l’adultère, du mensonge, des boissons enivrantes (sila).

Troisièmement : il doit pratiquer la charité, la générosité, sans attachement (caga).

Quatrièmement : il doit développer la sagesse (panna) qui conduit à la destruction complète de la souffrance, à l’atteinte du Nirvana.

Le Bouddhisme et la politique : l’économie

Parfois le Bouddha entrait même dans les détails concernant l’épargne et la dépense de l’argent, comme par exemple quand il dit au jeune Sigala que celui-ci devait dépenser un quart de son revenu pour ses besoins quotidiens, en investir la moitié dans ses affaires et mettre le dernier quart de côté pour l’imprévu.

Un jour le Bouddha dit à Anathapindika le grand banquier, un de ses disciples laics les plus dévoués, qui avait fondé pour lui le célèbre monastère Jetavana, à Savatthi, qu’un laic menant la vie de famille ordinaire a quatre formes de bonheur :

la première forme de bonheur est de jouir de la sécurité économique ou d’une richesse suffisante obtenue par des moyens justes et honnêtes (atthi-sukka) ;

la seconde est de dépenser libéralement cette richesse pour lui même, sa famille, ses amis et parents et pour des actes méritoires (bhoga-sutta) ;

la troisième est d’être libre de dettes (anana-sukha) ;

la quatrième forme de bonheur est de mener une vie droite, pure, sans faire de mal en pensée, en parole ou en action (anavajja-sutta).

Il convient de noter que les trois premières sortes de bonheur sont de nature économique, mais que le Bouddha rappela finalement au banquier que le bonheur matériel et économique « ne vaut pas la seizième partie » du bonheur spirituel qui est le résultat d’une vie pure et bonne.

On voit, par ces exemples, que le Bouddha tenait le bien être économique pour une condition du bonheur humain, mais qu’il ne reconnaissait pas le progrès comme réel et vrai, si ce progrès était seulement matériel, et privé d’un fondement spirituel et moral.

Tandis qu’il encourage le progrès matériel, le bouddhisme spirituel, pour l’établissement d’une société heureuse, pacifique et satisfaite.

Le Bouddha contre la guerre

Le Bouddha n’enseigna pas seulement la non-violence et la paix ; mais il alla sur le champ de bataille même et intervint en personne pour empêcher une guerre, lors de la dispute entre les Sakya et les Koliya qui étaient prêts à combattre pour régler la question des eaux de la Rohini.

Et ses paroles empêchèrent le roi Ajatasattu d’attaquer le royaume des Vajji.

le Bouddhisme et la politique : la manière de gouverner

Au temps où le Bouddha vivait il y avait comme aujourd’hui des souverains qui gouvernaient injustement leurs États. Ils levaient des impôts excessifs et infligeaient des châtiments cruels.

Le peuple était opprimé et exploité, torturé et persécuté.

Le Bouddha était profondément ému par ces traitements inhumains.

Le Dhammapadatthakatha raconte qu’il porta alors son attention sur le problème d’un bon gouvernement.

Ses idées doivent être appréciées dans le contexte social, économique et politique de son temps.

Il montra comment tout un pays pouvait devenir corrompu, dégénéré et malheureux quand les chefs du gouvernement, c’est-à-dire roi, ministres et fonctionnaires deviennent eux mêmes corrompus et injustes.

Pour qu’un pays soit heureux il doit avoir un gouvernement juste.

Les principes de ce gouvernement juste sont exposés par le Bouddha dans son enseignement sur les « Dix Devoirs du Roi » (Dasa-raja-dhamma), tel qu’il est donné dans les Jataka.

Bien entendu, le mot « roi » (Raja) d’autrefois doit être remplacé aujourd’hui par le mot « gouvernement ».

Par conséquent les « Dix Devoir du Roi » s’appliquent maintenant à tous ceux qui participent au gouvernement, chef d’état, ministres, chefs politiques, membres du corps législatif et fonctionnaires d’administration.

Les Dix Devoir du Roi

1- Le premier de ces dix devoirs est la libéralité, la générosité, la charité (dana). le souverain ne doit pas avoir d’avidité ni d’attachement pour la richesse et la propriété, mais il doit en disposer pour le bien-être du peuple.

2 -Un caractère moral élevé (sila). Il ne doit jamais détruire la vie, tromper , voler ni exploiter les autres, commettre l’adultère, dire des choses fausses, ni prendre des boissons enivrantes. C’est-à-dire qu’il doit au moins observer les Cinq Préceptes du laic.

3 -Sacrifier tout au bien du peuple (pariccaga). Il doit être prêt à sacrifier son confort, son nom et sa renommée, et sa vie même dans l’intérêt du peuple.

4 -Honnêteté et intégrité (ajjava). Il doit être libre de peur ou de faveur dans l’exercice de ses devoirs ; il doit être sincère dans ses intentions et ne doit pas tromper le public.

5 -Amabilité et affabilité (maddava). Il doit avoir un tempérament doux.

6 -Austérité dans les habitudes (tapa). Il doit mener une vie simple et ne doit pas se laisser aller au luxe. Il doit être en possession de soi-même.

7 -Absence de haine, mauvais-vouloir, inimitié (akkodha). Il ne doit garder rancune à personne.

8 -Non violence (avihimsa), ce qui signifie qu’il doit non seulement ne faire de mal à personne, mais aussi qu’il doit s’efforcer de faire régner la paix en évitant et empêchant la guerre et toute chose qui impliquent violence et destruction de la vie.

9 -Patience, pardon, tolérance, compréhension (khanti). Il doit être capable de supporter les épreuves, les difficultés et les insultes sans s’emporter.

10 -Non-opposition, non obstruction (avirodha). C’est-à-dire qu’il ne doit pas s’opposer à la volonté populaire, ne contrecarrer aucune mesure favorable au bien-être du peuple. En d’autres termes, il doit se tenir en harmonie avec le peuple.

Il est inutile de dire combien serait heureux un pays gouverné par des hommes possédant ces qualités.

Et ce n’est cependant pas une Utopie puisqu’il y a eu dans le passé, des rois comme Asoka en Inde qui ont établi leurs royaumes sur le fondement de ces idées.

Le Bouddha dit :

« jamais par la haine la haine n’est apaisée ; mais elle est apaisée par la bienveillance. C’est une vérité éternelle ».

« On devrais vaincre la colère par la bienveillance, la méchanceté par la bonté, l’égoïsme par la charité et le mensonge par la véracité ».

Il ne peut y avoir ni paix ni bonheur pour l’homme tant qu’il désire et a soif de conquérir et de subjuguer son voisin. Comme l’a dit encore le Bouddha :

« Le vainqueur provoque la haine, et le vaincu est tombé dans la misère. Celui qui renonce à la victoire et à la défaite est heureux et paisible. La seule victoire qui amène la paix et le bonheur, c’est la victoire sur soi même ».

« On peut conquérir des millions dans la bataille, mais celui qui se conquiert lui même, lui seul est le plus grand des conquérants ».

Ashoka, le grand empereur bouddhiste

C’est une consolation et un espoir, de penser aujourd’hui qu’il y eut au moins un grand souverain, célèbre dans l’histoire, qui eut le courage, la confiance, l’imagination de mettre en pratique cet enseignement de non violence, de paix et d’amour dans l’administration d’un vaste empire, tant sur le plan intérieur qu’extérieur, Ashoka, le grand empereur bouddhiste de l’Inde (III ème siècle av.J.C), « l’aimé des dieux », ainsi qu’il fut nommé.

Il avait d’abord suivi l’exemple de son père (Bindusara) et de son grand-père (Chandragupta) et voulu poursuivre la conquête de la péninsule indienne.

Il envahit et conquit Kalinga, l’annexant à son empire.

Plusieurs centaines de milliers de personnes furent tuées, blessés, torturées et faites prisonnières au cours de cette guerre.

Mais quand plus tard il se fit bouddhiste, il changea et fut complètement transformé par l’enseignement du Bouddha.

Dans un de ses édits célèbres gravés sur le roc (édit XIII sur roc, ainsi qu’on le désigne maintenant), dont l’original est encore lisible aujourd’hui, l’empereur, faisant allusion à la conquête de Kalinga, exprime publiquement son « repentir » et dit qu’il est « extrêmement douloureux » pour lui de penser à ce carnage.

Il déclare qu’il ne tirera jamais plus son épée pour entreprendre une conquête, mais qu’il « souhaite à tous les êtres vivants, non-violence, maîtrise de soi et pratique de la sérénité et de la douceur.

Ceci, naturellement, est considéré par l’Aimé des Dieux (Asoka) comme la plus grande conquête, la conquête par la piété (dhamma-vijaya) ».

Non seulement il renonça à la guerre pour lui même, mais il exprima son désir : « que mes fils et mes petits-fils ne pensent pas qu’il vaille la peine de faire une nouvelle conquête…qu’ils pensent seulement à cette conquête qui est la conquête par la piété.

Cela est bon pour ce monde-ci et pour le monde au-delà. »

C’est le seul exemple, dans toute l’histoire de l’humanité, qu’un conquérant victorieux, au zénith de sa puissance, encore en pleine possession de la force qui lui permettrait de poursuivre ses conquêtes territoriales, renonce pourtant à la guerre et à la violence pour se tourner vers la paix et la non-violence.

C’est une leçon pour notre monde actuel. Le souverain d’un vaste empire renonce publiquement à la guerre et à la violence et se rallie au message de paix et de non-violence.

L’histoire ne montre pas qu’il y ait eu un roi voisin pour prendre avantage de la piété d’Asoka et l’attaquer par les armes, ou qu’il se produisit durant sa vie, une révolte ou une rébellion dans son empire.

La paix régna, au contraire, sur tout le pays et il semble que des contrées lointaines, hors de son empire, acceptèrent volontiers sa bienveillante direction.

Le Bouddhisme et la politique : un gouvernement parfait

Le bouddhisme vise à créer une société qui renoncerait à la lutte ruineuse pour le pouvoir, où la tranquillité et la paix prévaudrait sur la victoire et la défaite ;

où la persécution de l’innocent serait dénoncée avec véhémence ;

où l’on aurait plus de respect pour l’homme qui se conquiert lui même que pour celui qui conquiert des millions d’êtres par la guerre militaire et économique ;

où la haine serait vaincue par l’amitié et le mal par la bonté ;

où l’inimitié, la jalousie, la malveillance et l’avidité n’empoisonneraient pas l’esprit des hommes ;

où la compassion serait le moteur de l’action ;

où tous les êtres, y compris la plus humble chose vivante seraient traités avec justice, considération et amour ;

où dans la paix, l’amitié et l’harmonie, en un monde où régnerait le contentement matériel, la vie serait dirigée vers le but le plus élevé et le plus noble, l’atteinte de la Vérité Ultime, du Nirvana. »

Voir aussi :
Le Bouddhisme Theravada
La vie du Bouddha Siddharta Gautama
Représentation de Bouddha, le gros et le maigre


Un texte tiré du livre :

L’enseignement du Bouddha d’après les textes les plus anciens » de Walpola Rahula

Aujourd’hui il y a de nombreux courants dans le bouddhisme et différents enseignements qui s’éloignent parfois beaucoup de l’enseignement originel.

Si vous voulez en savoir plus sur le véritable enseignement de Bouddha je vous conseil de lire ce livre, l’essentiel y est et les plus courageux ou les plus sages peuvent certainement atteindre l’illumination avec :

 » Le réL'enseignement du Bouddha d'après les textes les plus anciensvérend Rahula a reçu selon toutes les règles la formation traditionnelle d’un moine bouddhiste à Ceylan.

[…] Le livre qu’il a bien voulu me demander de présenter au public occidental est un exposé, lumineux et accessible à tous, des principes fondamentaux de la doctrine bouddhique, tels qu’on les trouve dans les textes les plus anciens, ceux qu’on appelle en sanscrit « la Tradition » (Agama) et en pali « le Corpus canonique » (Nikdya), et auxquels le révérend Rahula, qui en possède une connaissance incomparable, se réfère constamment et à peu près exclusivement.

Paul Demiéville

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